Kraftwerk

Cultissime, le groupe allemand a une importance capitale dans la musique contemporaine car ce sont les Beatles de la pop synthétique. Les fab four de Düsseldorf n’ont certes pas « inventé » la musique électronique mais ils furent les premiers à faire des chansons 100% synthétiques, se distinguant ainsi du reste du « Krautrock » et de la « Berlin school » en particulier (Tangerine, Schulze…) dont la musique d’évasion totale et d’inspiration Pink Floydienne, était une réaction à la situation d’enclave berlinoise, mais je m'égare… A Düsseldorf, ville ultra industrielle, la donne n’est pas la même et la musique de Kraftwerk reflète ce contexte de travail mécanique et répétitif…Loin des espaces cosmiques, la « Centrale électrique » dépeint la société moderne et ses moyens de communication : la route, la radio, le rail, la mécanisation, l’ordinateur, la domotique et finalement… le vélo! (une passion pour Hütter/Schneider). 

 

Initialement, Ralf Hutter et Florian Schneider s’intéressent à la musique concrète (tout comme Jarre qui est allé à l’IRCAM…) et leurs premiers albums s’inscrivent dans une mouvance avant-gardiste bien que les synthés soient totalement absents (Schneider est flûtiste). Le duo commence à se faire connaître pour son style épuré et son intérêt pour les technologies modernes (« Ralf und Florian » utilise une boite à rythme pour la première fois).

 

La consécration viendra en 1974 avec l'album « Autobahn », premier opus sous le nom de Kraftwerk. Ce disque est la pierre angulaire non seulement de l’œuvre du groupe, mais dans l’histoire de la musique contemporaine : primo les arrangement sont synthétiques à plus de 90% (exit guitares et batteries, welcome Minimoog!) et secundo il y a des textes, bref la pop synthétique est née ! De plus il s’agit d’un album-concept qui illustre un thème précis, ce qui sera une constante par la suite .A sa sortie, « Autobahn » va avoir une influence considérable chez les anglos saxons et la pop traditionnelle vacille sur ses bases. Des artistes majeurs comme David Bowie sont profondément bouleversés… En réaction, Queen marquait « no synthezizer » sur ses premiers disques (pour mieux y plonger en 1980 !).

 

Mais c’est avec l’arrivée de Karl Bartos que Kraftwerk va devenir LE groupe pionnier de la pop synthétique. Son approche plus « pop » et son génie mélodique associés au style electro déjà amorcé donnera tous les chefs d’œuvre jusqu’à son départ en 1991. L’apport de Wolfgang Flur est moins certain, mais sa biographie (« I was a robot ») autorisée malgré le procès intenté par Hütter, confirme que c’est bien Bartos et lui-même qui se tapaient l’essentiel du boulot pendant que les « 2 autres » faisaient du vélo ! 

 

Après « Autobahn », le groupe peaufine son style (y compris le visuel) album après album pour atteindre la perfection Techno-pop en 1978 avec « Man-machine ». En quelques années seulement Kraftwerk aura révolutionné la pop et début 80s, la nouvelle scène anglaise se met aux « tout synthés ». La « New Wave » explose Outre Manche avec des groupes comme Depeche Mode, Visage, Ultravox, OMD, Eurythmics et des artistes comme Kim Wilde, Thomas Dolby, Vince Clark et l'immonde Gary Numan… En France, seuls les Rockets reprennent le style dans un contexte plus pop/rock… Mais le plus drôle c'est que c'est au Japon et non en Europe que va naître le plus grand groupe d'electro pop de tous les temps, à savoir le cultissime Yellow Magic Orchestra (et plus je les écoute, plus j'en suis convaincu). Et c’est bien sûr sans compter tous les avatars improbables qui ont éclos de par le monde… . Pourtant, malgré une très longue filiation, le style kraftwerkien reste unique et finalement très différent de la « new wave » anglaise plus chantée. Hütter a toujours souligné l’importance de l’origine Allemande du groupe qui n’a jamais cherché à sonner anglo saxon ; d’ailleurs le chant lui-même n’est ni le point fort, ni le propos principal ; il s’agit d’un élément parmi d’autres avec des textes minimalistes aussi bien chantés, parlés que vocoderisés. C’est au plus fort de la déferlante NewWave, en 1981, que le quatuor sort l’un des disque les plus samplés de la création : « Computer world ». Loin de revendiquer une quelconque paternité dans la pop moderne (« je préfère ne pas y penser et juste continuer », dira Hütter), Kraftwerk fait du Kraftwerk à 110% avec le dernier album de sa période « classique » (analogique).

 

De 1982 à 1986, après une tournée mondiale, le groupe « disparaît » dans son studio alors que les synthétiseurs, la norme midi, les séquenceurs et la technologie changent radicalement la façon dont on fait la musique (ce qui, artistiquement parlant, n’a pas fait que du bien…).

L’excellent single « Tour de France » sort en 1983, prouvant que le groupe n’est pas mort et qu’il s’adapte aux nouvelles technologies de studio, puis plus rien…

Le nouvel album sort en 1986 et colle à son époque ; aussi bien dans les thèmes abordés que dans la technologie utilisée (beaucoup de sampling). Fort Heureusement « Electric café » aka Techno pop reste dans la tradition kraftwerkienne malgré un profond lifting sonore (on aime ou pas…). Ce sera aussi le dernier album studio avec Karl Bartos et Wolfgang Flur.

 
Par la suite, Kraftwerk ne proposera rien de vraiment neuf : beaucoup de versions live et remixées (« the mix » en 1991 et « minimum-maximum » en 2008), un single « expo 2000 » assez moyen et enfin un dernier album sudio « Tour de France » en 2009, bien décevant malgré un retour aux sons purement électroniques.

 

Par contre de son côté, Karl Bartos n’a pas perdu la main et « Communication » sorti en 2003 est la suite – inespérée – de « Man Machine », un album nettement plus fun et « kraftwerkien » pour les fans de la belle époque que le tristounet « Tour de France » ! 

Karl Bartos, le robot esclave du kling-klang studio aura eu sa revanche sur ses maîtres ("forget my name" chante t'il à Hütter, le message est clair!).